Pour les partisans de cette pénalisation, il s'agit de dissuader la demande et de considérer les prostituées "comme des victimes et non plus comme des délinquantes", estime la députée socialiste Maud Olivier, à l'origine du texte. Pour ses détracteurs, pénaliser les clients "va mettre en danger les travailleuses du sexe", qui seront plus isolées, rétorque Sarah-Marie Maffesoli, de Médecins du Monde.

Alarmes et "tam-tam", la sécurité façon rue Saint-Denis

Une position que partage Mylène, qui se situe, dit-elle, aux antipodes des prostituées victimes des réseaux. Appartenant à une communauté de "travailleuses du sexe auto-organisées", Mylène est propriétaire d’un petit appartement dans lequel elle accueille ses clients après les avoir sélectionnés dans la rue. Dans son immeuble, la majorité des habitants sont des prostituées.

Ensemble, elles ont mis au point des règles pour se protéger contre tout débordement de clients. Chacune dispose d’une alarme dans son appartement, qui permet d’alerter tout l’immeuble au moindre problème. Par ailleurs, ces "tapins", comme elles se définissent, bénéficient d’une tolérance policière et communiquent entre elles à propos de clients jugés à risque. "Cela s’appelle faire le tam-tam", précise Mylène. Une sorte de fichage artisanal des clients. Selon Mylène, ce système est efficace et prouve que la prostitution n’est pas une activité dangereuse si elle est exercée dans de bonnes conditions. "La dernière fois qu’une prostituée a été assassinée ici, c’était en 2009", précise-t-elle, pour preuve.

Révoltée par le projet de loi, Mylène, qui dispose d’un bac +2 et qui a exercé une dizaine de métiers avant de se tourner vers la prostitution, a créé en 2014 le Collectif des femmes de Strasbourg-Saint-Denis. Au cours des deux ans de navette parlementaire du texte, elle s’est époumonée pour dénoncer un projet qui n’a, selon elle, pas porté ses fruits dans les pays où il est en vigueur, comme en Suède. À l’approche du vote fatidique, elle tente de mobiliser, péniblement, une centaine de prostituées indépendantes de tous âges.

Durant plusieurs mois, France 24 a suivi Mylène au gré de ses inquiétudes, de ses colères et de ses éclats de rire.

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