Un cyberproxénète arrêté à Annemasse

PROSTITUTION | Depuis deux semaines, le fondateur vaudois du site Internet Sex4u est en détention préventive.




ALAIN WALTHER | 07.10.2009 | 00:04


Le fondateur du site Internet Sex4u (autoproclamé «la référence des adresses chaudes en Suisse») a été arrêté à Annemasse. En détention préventive dans une prison française, Gilles, quadragénaire vaudois, a refusé un premier avocat commis d’office. Le détenu en aura pourtant besoin pour s’expliquer devant un juge d’instruction de Thonon-les-Bains qui est chargé d’instruire son affaire.
A Thonon, le dossier de «Monsieur Sex4u» est en main du parquet qui garde le silence. Il aurait été emprisonné sous l’inculpation de proxénétisme. Hypothèse d’enquête: hier, sur le site «100% suisse» de Gilles, on trouvait toujours de la publicité pour une travailleuse du sexe française opérant en France voisine. Publicité légale en deçà du Léman, publicité illégale au-delà.
Le directeur du site Internet semble ne pas avoir tenu compte des différences fondamentales des droits suisses et français. Selon le Code pénal suisse, seuls sont condamnables l’usure ou l’encouragement à la prostitution.
470 000 visiteurs revendiqués
Mais le Code pénal français se montre beaucoup plus draconien sur la définition du proxénétisme (il est illégal de vivre des revenus de la prostitution).
Gilles, 40 ans, revendiquait 470 000 visiteurs uniques sur son site par an et 9 millions de pages consultées (92% par des utilisateurs suisses et 5% par des Français). Les travailleuses du sexe peuvent y mettre leurs coordonnées. Les clients potentiels, de leur côté, peuvent faire leur choix, selon la région, en Suisse romande.

Salons suisses en berne

Il y a un an, le directeur du site a déclaré avoir cessé toute autre activité dans le milieu de la prostitution. A l’époque, Gilles contrôlait les activités de quelques salons de massage (à Fribourg, à Lausanne, à Clarens, à Yverdon et à Martigny). Il se considérait comme accablé par les frais et les règlements.
En 2004, dans l’un de ses salons à Fribourg, Gilles louait 100 francs par jour de travail des locaux à des travailleuses du sexe (femmes et travestis) sans papiers.
En raison de ces faits, l’année dernière le Tribunal d’arrondissement de Lausanne avait condamné Gilles pour usure. Dans ses considérants, la justice vaudoise avait estimé que les prostituées payant un loyer étaient des victimes qui, sans papiers, ne pouvaient se plaindre. Condamnées au silence, elles étaient entièrement soumises aux décisions du maître des locaux qu’elles louaient. Assisté par l’avocat lausannois Jean Lob, Gilles avait fait recours contre la condamnation. La Cour de cassation l’avait alors libéré de cette charge.
En deuxième instance en effet, cette cour a estimé il y a un an qu’un loyer de 100 francs par jour pour des personnes gagnant un revenu quotidien pouvant atteindre 1000 francs ne suffisait pas à établir l’usure. D’autre part, la Cour de cassation a jugé impossible de refaire l’enquête sur des faits remontant à 2004, les protagonistes étant pour la plupart des clandestines et clandestins.
De source policière française, on confirme que les chefs d’inculpation qui ont conduit le Suisse en détention préventive tournent bien autour du proxénétisme.