Titre d'un article du journal Libération du mercredi 14 mars 2007.

Selon l'article, trente réseaux auraient été démantelés en France en 2006, surtout étrangers. Quatorze des filières venaient des pays de l'est et des balkans, dont six de Roumanie et trois de Bulgarie, onze d'Afrique noire, dont huit du Nigeria, trois d'Amérique du Sud, une de Thaïlande et une du Maghreb.

Le chef de l'office central de répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), le commandant Lain, impute la «baisse notable» du nombre de réseaux tombés (41 en 2005 et 47 en 2004) à l' «activité répressive» accrue des services contre ce phénomène.

Par ailleurs, la loi de sécurité intérieure (LSI) voulue par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, a, en érigeant en délit le racolage "passif", relégué les prostituées dans la clandestinité en les poussant hors des rues et des villes et, de ce fait, a pu occulter des filières. C'est là un effet pervers de cette loi qui a déjà été maintes fois dénoncé.

De fait, le chef de l'ORTEH souligne que la «prostitution de voie publique s'est éloignée des grandes villes vers des zones suburbaines, des routes départementales et des zones boisées», et que la «prostitution s'est enterrée» dans les bars à hôtesses, salons de massages, studios ou squats. Cachées, ces filles publient des petites annonces, mettent des affichettes ou trouvent des clients par l'Internet.

Toujours selon ce responsable, on ne peut pas les comptabiliser, pas plus que les étudiantes qui font des passes en fin de mois. Il estime cependant que 12000 à 15000 personnes se prostituent en France, dont «la moitié trafiquées, sous la coupe d'un réseau organisé», alors même que les procédures pour racolage n'ont permis d'en identifier que 2054 au cours de l'année 2006. Un cinquième des "racoleuses" sont françaises, un cinquième des hommes, 79 % sont des étrangers, tous sexes confondus.

Le recours à des maquerelles semble se multiplier, car «Les proxénètes, bulgares notamment, restent souvent au pays et envoient comme fusibles des premières filles qui surveillent les autres et leur rendent compte par téléphone», explique le commandant Lain : pour un exemple récent de cette méthode et les risques que prennent les filles intermédiaires, voir ce fil-ci et ce fil-là.

Outre les contacts et accords avec des «pays sources» de l'Est pour rapatrier les prostituées et enrayer le trafic, l'OCRTEH préconise de traiter désormais avec le Nigeria et de s'occuper des jeunes Chinoises, surnommées «les marcheuses», arrivées à Paris : voir ce fil, ainsi que celui-ci et celui-là.

S'agissant de ces dernières, le chef de l'ORCTH ne s'explique pas autrement sur leur appartenance à des réseaux organisés qui les contraindraient à la prostitution. Pourtant une telle appartenance semble douteuse. Certes, les "marcheuses" dont payé des passeurs pour venir en France et doivent les rembourser. Mais elles semblent plutôt, pour la majorité d'entre elles, choisir librement de se prostituer afin de rembourser cette dette et de se libérer ainsi du joug de leur créancier. Ce n'est pas, en effet, en travaillant comme esclaves, pour un salaire de misère, dans un atelier de confection clandestin, qu'elles peuvent espérer y parvenir. On est donc en présence, semble-t-il, d'une prostitution déterminée par des causes économiques, et non par la menace ou la violence.

Or, si on considère que la prostitution dictée par les circonstances économiques est aussi une exploitation de l'être humain, contre laquelle les autorités devraient lutter, alors c'est le phénomène de la prostitution en soi dont on poursuit l'éradication. En effet, infiniment minoritaires sont les filles qui se prostituent par plaisir : elles le font presque toutes pour l'argent, lorsqu'elles ne sont pas contraintes à cette activité par la menace ou la violence. Les formes de prostitution imputables à la violence de tiers doivent être combattues. En revanche les formes de prostitution imputables aux circonstances économiques devraient être acceptées comme un phénomène aussi vieux que le monde, relevant d'un libre accord entre personnes majeures et consentantes, et non attentatoire à la dignité humaine.

S'en prendre aux chinoises "marcheuses" de Belleville, République ou Strasbourg St Denis, lesquelles s'efforcent de sortir tant bien que mal de leur "galère" financière, relève-t-il bien de la mission d'un organisme de lutte contre la traite des êtres humains ? Si l'OCTRH dispose d'informations auxquelles nous, punters de base, n'avons pas accès et qui révéleraient que, contrairement aux apparences, ces "marcheuses" sont contraintes par la menace ou la violence à se prostituer, il serait judicieux qu'il les divulgue. A défaut, on ne pourrait s'empêcher de soupçonner que, sous couvert de lutter contre la traite des filles, les l'OCRTH s'attache surtout à lutter contre l'immigration clandestine, en détournant son action de l'objectif que la loi lui assigne.