Une luxueuse villa transformée en haut lieu de passe, auquel il faut ajouter un bar-restaurant-bungalow : voilà qui a de quoi faire tache, à Grand-Bourg, après le démantèlement d'un joli réseau de prostitution. D'autant que ces deux adresses ouvertes à la location étaient référencées en qualité de gîtes par l'office de tourisme.


La tête d'un réseau de prostitution qui finit par tomber pour avoir manqué de discrétion en ramenant cannabis et cocaïne de la Dominique... Voilà à quoi pourrait se résumer l'affaire qui vient d'éclabousser la Grande Galette. Et plus particulièrement Grand-Bourg.

Insolite à plus d'un titre, l'enquête de longue haleine que viennent de boucler les gendarmes de la commune, aux côtés de qui se sont encore greffés des enquêteurs du GIR (groupe d'intervention régional), aurait pu ne pas dépasser le stade du banal trafic de stup entre deux îles voisines et censé alimenter le marché local. Sauf que l'individu de 29 ans rapidement ciblé pour convoyer la drogue ne semblait pas seulement tremper dans l'herbe et la poudre. Les filatures et investigations menées ne laissaient planer aucun doute : le quasi-trentenaire est suspecté d'avoir également tiré les ficelles d'un joli réseau de prostitution.

Ses points d'ancrage : un barrestaurant-bungalow susceptible d'avoir ouvert les portes de ses chambres à des prostituées d'origine dominicaine. Mais plus encore, une luxueuse villa dont il était devenu « gérant de fait » . Petite particularité pour le moins croustillante : les deux lieux de passe, visibles sur des sites internet dédiés, étaient également référencés par l'office de tourisme comme... gîtes. C'est-à-dire comme de charmantes locations ouvertes aux touristes et dont les prestations, à l'évidence, offraient des services allant bien au-delà de la présence de piscine, télé et machine à café.

INTERPELLATIONS DANS LES HAUTS-DE-SEINE

À en croire les enquêteurs, la dizaine de filles s'adonnant à ce réseau - « elles étaient majeures, consentantes et agissaient sur la base du volontariat, malgré l'exploitation faite de leur misère humaine » - venait de Pointe-à-Pitre ou Saint-François, via l'utilisation des lignes régulières de transport maritime. Puis étaient « ventilées » sur plusieurs lieux de prostitution. Dont, bien évidemment, le barresto et la luxueuse villa. A priori, cette dernière attirait, selon les gendarmes et le parquet pointois, « une dizaine de clients réguliers domiciliés sur l'île » , quand d'autres sources n'hésitaient pas à aller un poil plus loin et évoquer des soirées spéciales, type « échangistes » .

Au terme de 6 mois de recoupements et recueil de renseignements, les gendarmes du Psig (peloton de surveillance et d'intervention) passaient à l'action. Lundi, dès 6 heures, ils ciblaient 5 individus. Au-delà du proxénète présumé, qui « reconnaîtra, au terme de 72 heures de garde à vue, son implication dans les deux trafics de stupéfiants et de prostitution » , figurent les gérants de deux commerces - dont celui du bar-restaurant-bungalow - et une sorte de convoyeur chargé d'assurer les déplacements des filles à travers l'île. De l'autre côté de l'Atlantique, le propriétaire de la villa présentée comme « étant le principal lieu de prostitution » , se faisait cueillir chez lui, dans les Hauts-de-Seine, par les gendarmes de la section de recherches de Versailles.

UNE ACTIVITÉ JUTEUSE ?

Bien que les magistrats du parquet pointois assurent disposer d'assez d'éléments pour matérialiser l'existence de la filière qui a semblé fonctionner au moins cette année, difficile en revanche de savoir combien cette juteuse activité a pu rapporter. « L'ensemble des transactions se faisaient en espèces, ce qui rend impossible toute traçabilité et estimation des gains récoltés par les différents protagonistes du réseau » , reconnaissait une source proche de l'enquête.

Au final, si un des commerçants interpellés a été mis hors de cause, et si l'individu épinglé pour avoir véhiculé les prostituées s'en sort avec un simple rappel à la loi, les trois principaux acteurs du réseau devront s'expliquer devant la justice le 25 novembre prochain. Parmi eux : le proxénète présumé, le gérant du complexe faisant barrestaurant-bungalow mais aussi le propriétaire de la luxueuse villa. À l'issue de leur déferrement, tous trois ont été placés sous contrôle judiciaire. Ils devront répondre de proxénétisme mais aussi de travail dissimulé, puisque les activités exercées dans ces deux hauts lieux de parties fines n'ont jamais été déclarées.

La luxueuse villa saisie
Elle a été estimée à 1 million d'euros. Sauf que son propriétaire ne pourra plus véritablement avoir l'occasion d'en jouir. La luxueuse villa de Grand-Bourg, dans laquelle se concentraient la plupart des parties fines et chaudes soirées à thème, devrait être saisie par l'administration. C'est en tout cas ce qu'a sollicité le parquet pointois dans l'optique d'obtenir sa confiscation judiciaire lors de l'audience du 25 novembre.
Quant au bar-restaurant-bungalow, présenté comme le second lieu de prostitution, il est actuellement fermé et en cessation d'activité.

C'était juste pour aider les enquêteurs
Ont-ils manqué de discrétion ? Toujours est-il que, dans un communiqué, la gendarmerie de Grand-Bourg demande que soit précisé que la société de location Glovert mais aussi le Cash des affaires « ne sont mêlés ni de près ni de loin à cette affaire » . Si certains des véhicules appartenant à ces entreprises implantées à Grand-Bourg ont été « réquisitionnés » , c'était uniquement pour permettre de mener à bien l'enquête judiciaire.


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