Ce texte a été écrit un mois avant qu’une chercheuse, dont j’accompagne les travaux, prenne part à un débat organisé à Namur par les Femmes prévoyantes socialistes, le 31 août 2014. Les diverses réactions suite à ce débat me mènent à croire que ce texte est d’une certaine actualité, raison pour laquelle je le publie aujourd’hui.

C’est systématique : dès que l’on évoque la prostitution dans un média quelconque ou lors de conférences, on part du postulat qu’il s’agit d’un concept parfaitement défini, parfaitement cadré. On va donc discuter de « la prostitution » comme d’une évidence, avant de s’esbaudir face à des « révélations » consistant dans le choix d’un épithète : « le saviez-vous, Mâme Michu ? » il existe une prostitution étudiante, internet, masculine, sado-masochiste, rurale, quotidienne, homosexuelle… Autant de motifs de « buzz » : « on ne vous l’avait jamais dit », mais figurez-vous que « cela se passe aussi près de chez vous ». Évidemment, personne ne se pose la question de savoir si l’on évoque des choses comparables, puisque c’est évident, c’est toujours de « la prostitution » que l’on parle, peu importe l’épithète que l’on y appose.

On s’empresse donc de sortir des statistiques pour démontrer la valeur ajoutée de l’adjectif : la prostitution masculine représente 20% de la prostitution1, la prostitution étudiante 5%, la prostitution internet 12%2, et ainsi de suite. De superbes chiffres, de merveilleuses proportions, de grandioses pourcentages – qui s’avèrent souvent bien étrangement des multiples de cinq ou dix – qui montrent bien que puisque le phénomène est bien quantifiable, il existe en tant que réalité « unique », d’où l’on peut tirer la part représentant chaque créneau de « spécialisation », chaque « marché de niche ».

Une fois bien assis l’axiome que « la prostitution » connaît une définition univoque puisqu’on peut la quantifier et en établir des « parts » en fonction de « spécialités », on enchaîne alors sur le débat classique « reconnaître » ou « abolir », qui devient rapidement par le jeux des caricatures réciproques « légaliser » ou « prohiber », et voilà qu’on appelle les auditeurs à la rescousse : « qu’en pensez-vous, Mâme Michu, pour ou contre la prostitution ? ». En fait, partir de l’approche que « la prostitution » est un phénomène parfaitement défini revient à nier les réalités multiples que vivent « les prostitué-e-s »3 et donc, condamne tout débat à des positions caricaturales qui, certes, en garantissent le caractère spectaculaire, mais également la parfaite inanité.

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